Un seul bruissement. Les aînés, ceux qui les suivent
Il faudra savoir compter, enfant,
avec ce déséquilibre léger
qu'imprime la venue
d'un merle qui s'est posé sur la branche
à tant d'heures d'apparente solitude
quand les jardins d'hiver se figent dans leur nudité
et que l'herbe qui ne gèle pas ne croît plus,
que les abois des chiens sont seuls à désigner encore le lointain.
Un oiseau, où sur l'arbre à l'instant il n'y avait rien
auquel jusqu'en le geste et la voix faire un abri :
on ne sait pas exactement qui s'allie
au cours ignorant de nos jours,
quelles en sont les secrètes amitiés.
Un seul bruissement
Dans ces deux recueils de textes récents, Judith Chavanne poursuit un travail poétique fondé sur l’attention silencieuse à ce qui est.
« On entre dans un poème de Judith Chavanne comme dans un milieu nouveau, comme dans l’eau d’un lac : on y perd d’abord pied, car la mesure des vers y est plus longue, leur rythme plus subtil que celui de nos respirations ordinaires. Et puis on est porté. Ce temps nouveau qui nous porte et nous apprivoise, c’est celui des choses. Judith Chavanne y est attentive, certes, et on garde de ses poèmes de belles visions : la rose rouge au secret du feuillage, la lune soudain découverte derrière la porte. Mais le regard, pour elle, est le moins charnel des sens, et Judit Chavanne ne veut pas seulement être attentive : elle veut être accordée. La rose est aussi un muscle mystérieux, une pulsation, dont l’écho bat en nous. Le vers de Judith Chavanne nous accorde à la lenteur des êtres, de la journée. Il s’agit de retrouver un contact avec la main, le pied, le coeur, pour que quelque chose passe ou repasse entre le vase de la terre et celui de notre corps, qui ne communiquent plus. » (Jean-Pierre Lemaire)
142 pages.
Photo : D.R.
Née en 1967, Judith Chavanne vit et enseigne les Lettres en Ile-de-France. Elle a soutenu en novembre 2001 une thèse de doctorat sur l’ouverture dans l’oeuvre de Philippe Jaccottet (Philippe Jaccottet : une poétique de l’ouverture, 2003, éditions Seli Arslan). Son premier recueil de poésie, Entre le silence et l’arbre (Gallimard, 1996), a reçu les prix de la Vocation et prix Louise Labé. Elle a également fait paraître La douce aumône (Empreintes, 2002) et Le Don de solitude (L’arrière-Pays, 2003). Judith Chavanne collabore à plusieurs revues (La Sape, Le Nouveau Recueil, Scherzo, Arpa, Sorgue, Rehauts…). Sous forme d’articles et de préfaces, elle a publié des études sur les oeuvres de Pierre Dhainaut, Pierre Voélin, Philippe Jaccottet…