Sorgue n°1 - Le retrait dans la création poétique
[...] Et ce dernier été, peut-être parce que je sais que, dans la meilleure hypothèse, je n’en ai plus tant que cela devant moi, et que le risque de voir ce mot « dernier » prendre son sens absolu augmente chaque jour selon une progression accélérée, certaines choses de ce monde qui aura été le mien, le nôtre, pendant presque toute notre vie, m’ont étonné plus qu’elles ne l’avaient jamais fait encore, ont pris plus de relief, d’intensité, de présence ; plus de, comment dire ? plus de chaleur aussi, étrangement, comme on n’en reçoit généralement que des êtres proches ; bien que je sache, dans le même temps, que cela ne peut en aucune manière être pris au pied de la lettre, comme si je m’étais mis à croire à une amitié, à des sentiments des choses pour l’homme, qui les rendraient capables de nous « parler » vraiment, à leur façon. Il doit s’agir d’une autre espèce de relation. N’empêche : j’ai peine à croire que la chaleur ne fût qu’en moi, se reflétant sur elles. Ce doit être plus compliqué. [...]
Philippe Jaccottet