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Monsieur Cristal

Martin Melkonian
Prix : 16.01 €
ISBN/EAN : 9782909201184

Journal 1977-1982 « A trente ans, j’avais pour ambition la légèreté. Seul le tintement d’une lointaine clarine semblait requérir mes soins. Je cherchais une sonorité particulière au moyen de laquelle tout l’être vibrerait. La note absolue. Mais le temps contrarie ces sortes de dispositions romantiques. Demeure aujourd’hui la sincérité de ma quête. Grâce à l’encre — la trace —, je retourne sur mes pas, et invite le lecteur à reconsidérer sa propre source. Lorsqu’un rien le bouleversait ; lorsqu’il était naïf sans le savoir. Voici donc un journal intime rejoué dans le temps présent. » Monsieur Cristal est le titre donné par Martin Melkonian à son journal des années 1977-1982. Il est composé de notes éparses (l’ensemble compte une centaine de pages), très écrites, où se révèle le jeune écrivain en devenir. C’est à cette époque en effet que Martin Melkonian se met à rédiger Le miniaturiste qui paraîtra au Seuil en 1984. Il fréquente Roland Barthes, Charles Duits. Monsieur Cristal est avant tout un journal intérieur, dans lequel prime la recherche d’une certaine transparence. 24 octobre 1977
Mon écriture ne participe-t-elle pas du perfide intellect dont parle Charles Duits dans Le Pays de l’éclairement ? Impression d’un moi climatique qui se dissout et se recompose selon un ordre qui m’échappe. Besoin du mental qui ne peut effleurer une chair langagière de peur de rompre le charme de l’écriture proprement dite ? L’écriture proprement dite serait cet acte de l’écrit qui ne travaillerait pas — improductif donc — pour une contrainte de nature métaphysique, par exemple ; qui se garderait de toute contamination, de l’intention.

La question que je devrais poser à Roland Barthes : « Etes-vous amateur de temps ? »

L’écriture. Au début, on cherche à remplir. Ensuite on convoite le silence... Il me prend à rêver de ne plus écrire. La léthargie heureuse des vacances (de l’Absence) m’offre cette possibilité. « Tu n’as pas écrit », dit Emilienne. Absent, être absent. A l’école, l’absent de retour apporte un mot : voici l’absence écrite. Comme la solitude (pour reprendre une expression de Pascal), elle est une joie incompréhensible.

4 novembre
Je ne sais vivre, rôle mis à part (la « gravité »), que dans la délicatesse. Ce n’est pas de moi que je parle, mais d’imperceptibles frôlements en lesquels je pourrais aisément m’abstraire si je savais mieux les localiser, ce d’autant que je ne prétends pas à l’existence.

A force d’habiter, nous nous succédons, mais de nos demeures ne subsiste que l’Ustensile.

Il y a un devoir d’absence qui rend l’amitié cristalline, la transporte dans la contrée des mythes, des intervalles du temps. Il y a le rêve d’une forme partagée d’existence qui ne s’aliène pas à la douceur sédative des unions très étroites.

Martin Melkonian

Né en 1950, Martin Melkonian est écrivain et peintre. En 1984, il a publié Le miniaturiste (Le Seuil), puis, chez le même éditeur, Désobéir et Loin du Ritz. En 1995 ont paru Clara Haskil, portrait (Josette Lyon) et Les marches du Sacré-Cœur (Le bois d’Orion).