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En mal d'Aurore, Journal 1932-1975

Pierre Minet
Prix : 29.5 €
ISBN/EAN : 9782909201221

Edition, préface et notes de Patrick Krémer 5 décembre 1966
Je me demande de quel droit je m’apprête à parler d’Antonin Artaud… Moi et les autres. S’il n’était mort que d’hier, passe encore ! Les mots — les nôtres — peuvent à la rigueur tenir lieu d’ornements funéraires, et l’on sait qu’après tout le génie littéraire exige de beaux adieux. Mais voilà dix-huit ans que la porte s’est ouverte pour lui sur une réalité dont je présume qu’il n’avait pas la moindre idée, dix-huit ans que nous ne lui sommes plus bons à rien, même pas à lui permettre de souffler, et ce retour maintenant à sa personne a quelque chose de oiseux. […]
C’est qu’il a vomi cette existence, et que nous continuons de lui faire fête. Qu’il a trépigné de rage et de douleur au contact de sa propre présence, et que nos vues sur nous-mêmes ne seront jamais que momentanément dramatiques. C’est encore que, sa vie durant, il n’a guère cessé d’emprunter des voies dévorantes, alors que notre expérience en ce domaine ne va guère au-delà du simulacre. Il a été un terrible lutteur, et nous n’avons pas connu ses ennemis. Sérieusement, quel sens ses hurlements peuvent-ils avoir pour nous ? Adopter le paroxysme pour étendard et ne pas subir l’épreuve du feu revient à s’agiter en pure perte. Il était seul. Il le demeure. Et toutes nos tentatives, nos explorations ne nous fournissent pas sa clé. Toute sa vie, de sa rencontre avec Roger Gilbert-Lecomte et René Daumal en 1925 aux derniers mois vécus dans la souffrance, Pierre Minet aura tenu un volumineux journal. Plus encore que le journal d’un écrivain avec ses ébauches de textes, ses impressions de lecture, ses rencontres et ses portraits (Artaud, Adamov, Max Jacob, Paulhan, etc.), c’est le journal d’un homme sans complaisance envers lui-même, conscient d’avoir sacrifié l’essentiel de son art à l’amour qui fut le «grand jeu » de sa vie. Il constitue aussi un précieux témoignage sur la vie de l’un des membres les plus singuliers de ce groupe éphémère et mythique que fut le Grand Jeu.

350 pages.

Pierre Minet
Né à Reims en 1909, c’est en 1925 que Pierre Minet rencontre et séduit par ses allures de jeune révolté les «Phrères simplistes » Roger Gilbert-Lecomte et René Daumal, qui vont d’emblée l’adopter. Membre fondateur du Grand Jeu, il ne participera cependant qu’au premier numéro (1928) et publiera la même année L’Homme Mithridate. Son jeune âge, sa révolte, lui valent d’être considéré par d’aucuns comme un nouveau Rimbaud. Mais la passion amoureuse, une santé précaire et une certaine forme de paresse l’éloignent de la littérature : il ne publiera plus que Histoire d’Eugène (1930) et surtout
La défaite (1947, réédition Allia 2010). Très proche de Gilbert-Lecomte, il se battra sans relâche pour que ses Œuvres complètes voient enfin le jour. Il meurt à Paris en 1975, laissant un roman, Un héros des abîmes, que Pierre Belfond publiera en 1985.