Billet sans retour - En relisant mon journal
Texte traduit du suédois par Christofer Bjurstrom Evert Lindfors est né le 24 octobre 1927 sur l’île de Gotland. Il est le plus jeune de ses sept frères et sœurs. Sa famille avait une ferme dans la campagne à côté de Visby. Quand Evert avait trois ans, son père a abandonné sa famille, fait traumatisant pour le fils maintenant septuagénaire, comme une plaie jamais guérie. La famille s’est alors établie à Visby et la mère a réussi à faire vivre, seule, tous ses enfants. Mais les enfants devaient l’aider de leur mieux. De six ans à douze ans, Evert a distribué, tous les jours de la semaine le quotidien du parti rural Le Gotlandais à soixante-trois adresses différentes le long d’un même chemin. Evert a terminé l’école primaire à onze ans, au printemps 1939. Un mois après sa mère est morte. A partir de ce moment-là, sa sœur aînée, qui avait dix ans de plus, et ses autres frères et sœurs se sont occupés de lui. C’est à cette époque qu’il a commencé à dessiner et à peindre. Il essayait de copier dans des catalogues et des journaux avec ce qui lui tombait sous la main et ce qu’il trouvait ici et là.
Pendant les années trente, et surtout plus tard pendant la guerre, de nombreux réfugiés russes et baltes sont venus sur l’île de Gotland. Parmi eux, il y avait des artistes. Dès qu’il pouvait, Evert se mettait derrière leur chevalet et étudiait comment ils travaillaient. Il se souvient en particulier d’un ancien officier letton qui lui permettait de l’accompagner dans ses expéditions pour peindre sur le motif dans Visby et ses environs. Ces réfugiés ne furent pas seulement ses premiers professeurs de peinture. C’est aussi à travers eux qu’est né son choix de vie : on pouvait devenir peintre. En août 1945, Evert a quitté Gotland pour toujours et a embarqué gratuitement pour Stockholm. C’est ici que commence sa vie d’artiste.
Pendant vingt ans Lindfors a été peintre. La plupart de ses peintures sont perdues ou dispersées dans des collections privées — quelques-unes se trouvent au Musée d’art Moderne de Stockholm et, en France, au Musée de Tours, au Musée Calvet d’Avignon. Il peignait des paysages provençaux, des paysans et leurs outils, des champs d’oliviers : une peinture figurative, expressive, dans des teintes souvent claires. La peinture devenait de plus en plus épaisse, l’écriture tracée par le pinceau s’inscrivait de plus en plus profondément dans la couche de couleurs qui prenait toujours davantage l’allure d’un relief.
En 1968, il a franchi le pas du relief en couleur au relief en terre glaise. Il laissa la peinture pour la sculpture. Avec sa femme Barbro (« Barbara ») Blomqvist, artiste peintre elle aussi, ils avaient depuis longtemps élu domicile à Lacoste, à quelque quarante kilomètres à l’est d’Avignon en Provence. Pour Evert, le changement de matière entraîna le début d’une nouvelle époque de sa vie à Lacoste. Pendant trois ans il s’est consacré à sculpter la vie des paysans : leurs outils, leurs objets, leurs vêtements. Et il travailla sur place, dans les fermes et dans les champs.
Evert Lindfors est surtout connu par ses sculptures d’animaux, pour ne pas dire sa multitude d’animaux. De tout temps l’homme a créé des images de bêtes… comme il y a déjà trente mille ans dans le sud de la France. Mais aujourd’hui ? J’ai demandé un jour à Evert pourquoi il a sculpté tant d’animaux. Il m’a répondu : « Ils ne m’ont jamais fait de mal », et il a ajouté : « Et les bêtes ne jugent pas le résultat. Surtout les animaux empaillés. »
Lars Nygren
240 pages / 13 photos noir et blanc
A dix-sept ans, Evert Lindfors quitte l’île de Gotland pour Stockholm. Il dort dans un grenier, son insatiable désir de peindre lui fait endurer le froid et la faim. Aux alentours de Noël 1946, il achète un aller-simple pour Marseille. L’aventure se poursuit à Saint-Paul de Vence, où il se mêle aux peintres, puis à Paris. En 1956, alors qu’il vient de s’établir à Lacoste dans le Vaucluse avec sa femme Barbara qui est peintre, il débute une activité de sculpteur.
Dans ce journal revisité, l’artiste suédois Evert Lindfors dresse la chronique d’une vie toute entière vouée à l’art, et donne à voir, avec un égal bonheur, la vie des paysans du Luberon et celle d’artistes de l’après-guerre.