Ainsi sommes-nous. Corps-esprit et culture de l'Encounter
« Here Comes Everybody*, Voici venir tout le monde » est emprunté au personnage de Joyce, H.C.E., dans Finnegans Wake. Lorsque les gens sont perçus superficiellement, leurs différences sont accentuées : noir ou blanc, homme ou femme, agressif ou passif, intellectuel ou émotionnel, heureux ou triste, radical ou réactionnaire. Au fur et à mesure que nous nous comprenons, les différences s’estompent et l’unité de l’homme apparaît — les mêmes besoins, les mêmes peurs, les mêmes luttes, les mêmes désirs. Ainsi sommes-nous.
Le concept de corps-esprit — l’unité de tous les niveaux de l’homme — et l’Encounter offrent des moyens d’aller dans la profondeur, d’entrer en contact avec les personnes en leur cœur, de toucher les parties de soi qui sont identiques en chacun de nous. Ces méthodes aident les personnes à dépasser les différentes façons de se débrouiller dans la vie, à regarder autour de soi et constater que tout le monde essaie de faire face au même problème en utilisant simplement des méthodes différentes. Ainsi sommes-nous.
L’Encounter ouvert est la méthode principale dont il est question dans ce livre. C’est une technique spécifique, mais ses ramifications s’étendent partout où il y a des gens. L’Encounter est une façon d’être. Il pourrait être la base d’une nouvelle culture : la culture de l’Encounter. Je vais expliquer en détail comment, à mon avis, ces groupes fonctionnent le mieux, ainsi que leur philosophie sous-jacente.
À la fin des années 60, et début des années 70, à Esalen sur la côte Ouest des États-Unis, Will Schutz explore une forme de groupe de rencontre particulière : l’Encounter ouvert. L’accent y est d’abord mis sur l’ouverture — être plus honnête que nous ne le sommes habituellement —, en contact avec son corps et ses émotions.?Les résultats sont remarquables, les participants se transforment en profondeur. à tel point que Will Schutz a conscience d’avoir mis en évidence un nouveau mode d’être dans les relations qui peut être une réponse aux défis de l’époque. Pour lui, il s’agit d’une véritable révolution, dont les champs d’application concernent chaque pan de l’existence humaine : la psychothérapie, bien sûr, mais aussi les entreprises, le théâtre, le couple, l’éducation, la vie politique…
Ainsi sommes-nous. Corps-esprit et culture de l' Encounter, décrit précisément chaque aspect de cette approche, les relations du corps et de l’esprit, notamment via le travail d’Ida Rolf, les implications aux niveaux individuel et collectif, la dimension spirituelle... C’est aussi un « guide pratique pour comprendre l’essence et les techniques de l’Encounter […] », note dans sa préface Gary Copeland, l’un des principaux leaders d’Encounter ouvert aujourd’hui. Des exemples d’atelier, les aspects de la personne du leader ou de sa formation sont notamment précisés par Will Schutz. Plus encore, tous ceux intéressés par l’Élément Humain® que Will Schutz élabora ensuite pour les entreprises, trouveront dans ces pages les fondements de cette approche particulièrement puissante.
Will Schutz (1925-2002) a achevé son doctorat de Psychologie, Ph.D, à l’ UCLA en 1950. Durant la guerre de Corée en 1952, il est rappelé par la U.S. Navy et fait une recherche pour comprendre et prédire comment un groupe d’hommes donné travaillerait ensemble. Il en a résulté un premier livre, FIRO : A Three-Dimensional Theory of Interpersonal Behavior (1958), qui introduisait la théorie Fundamental Interpersonal Relations Orientation (FIRO).
Sorti de la Navy, il enseigne et fait des recherches dans différentes universités parmi les plus renommées, Harvard, l’unversité de Chicago et l’université de Californie à Berkeley. Bien que très sollicité, il trouve qu’il atteint les limites des techniques traditionnelles.
A la fin des années 1950, il rentre en contact avec un groupe psychothérapeutique pour jeunes psychiatres, conçu pour les aider à en apprendre plus sur eux-mêmes avant d’exercer en tant que praticien de l’accompagnement. En tant que membre de ce groupe, il fut forcé à dire la vérité et à entendre le feedback d’autres membres du groupe sur comment ils le ressentaient vraiment, et s’ouvrir au monde des sentiments. Ce fut selon lui « une délicieuse frayeur ».
Au milieu des années 60, à la Albert Einstein Medical School dans le Bronx à New York, il observe des psychiatres conduire des groupes de psychothérapie. En parallèle, il commence une collaboration avec les Laboratoires de formation nationaux (NTL) à Bethel, dans le Maine, et conduit lui-même des T-Groups (“T” pour training – formation). Il trouve que le travail et les résultats des leaders des T- groupes qui étaient alors considérés comme « non –qualifiés » d’un point de vue professionnel « traditionnel », étaient plus créatifs, plus profonds, plus rapides, et plus efficaces que ceux obtenus au cœur de l’établissement psychiatrique.
Will Schutz va alors de consacrer à l’étude de nouvelles techniques sur le comportement humain. Celles-ci comprennent la psychosynthèse, le psychodrame, la bioénergie, le Rolfing, et la gestalt therapy. Toutes ces méthodes avaient en commun l’utilisation de méthodes non-verbales et en particulier le mouvement et l’imagerie. Il commençe alors à intégrer des parties de ces méthodes non-traditionnelles dans ses propres techniques de groupe, Au début de l’année 1967, il écrit son best-seller, Joy : Expanding Human Awareness, dans lequel il reprend les techniques qu’il a étudiées aussi bien que celles qu’il a développées et précise comment les utiliser.
Il est toujours très sollicité par le monde universitaire mais aussi consulté par des entreprises très diverses. Mais il y trouve de moins en moins d’énergie et de plaisir. C’est pourquoi à la fin de l’année 1967, il se déplace vers l’Institut d’Esalen, un centre de développement personnel à Big Sur, en Californie, dans lequel il retrouve excitation intellectuelle et un champ pour utiliser sa créativité. Là, il va offrir des Groupes de rencontres — ateliers qui incorporent les idées des T-Groups ainsi que les méthodes in-vivo qu’il a apprises. En complément, il étudie et expérimente une variété d’approches — physiques, psychologiques, et spirituelles — pour développer le plein potentiel de chaque personne et les interactions entre les personnes. Lors des années Esalen, il écrit plusieurs ouvrages dont Here Comes Everybody (1971), une suite de Joy, et Elements of Encounter (1973), dans lequel il recense et présente les principes des groupes d’Encounter.
En 1975, il quitte Esalen et commence à intégrer son travail scientifique avec le matériel qu’il a expérimenté lui-même. Dans son ouvrage Profound Simplicity (1979), il communique ce qu’il a réalisé. Les approches qu’il a étudiées — groupes d’Encounters, imageries, gestalt therapy, psychodrame, acupuncture, bioenergie, Rolfing, la méthode Feldenkrais, l’aïkido, et le t’ai chi — sont toutes au service d’un même but : la réalisation du plein potentiel humain.
En 1980, il utilise l’expérience du potentiel humain et sa théorie FIRO ainsi que les échelles de mesure FIRO, et créé L’Elément Humainqui a d’abord été testé dans des entreprises comme Kodak, Esso, Ampex, Mattel, United Biscuit, la U.S. Army. De ces premières expériences, les principes-clés que sont la Vérité, le Choix et la Conscience émergent et cristallisent. Il approfondit et élargit la théorie et les instruments FIRO, pour constituer un ensemble d’outils intégrés appelés Les Eléments de Conscience. Tous les instruments ont été conçus spécifiquement pour être intégrés à l’Elément Humain. Ses deux derniers livres couvrent l’ensemble du contenu de l’Elément Humain : The Truth Option (1984) et L’Elément Humain (1994) traduit en français.